Être artiste, hasard ou vocation ?

Très jeune, je découvre comment le langage du dessin peut dépasser celui des mots. Ma chambre devient un véritable atelier, situé juste au dessus du cabinet médical de mon père. À travers les murs j'entends les jérémiades des malades, ils sont parfois gravement blessés. Je dessine des portes qui crient. Un jour j’accueille un patient apportant son bébé mort dans les bras, c'est vraiment triste.

En suivant l'actualité télévisée, la cruauté et la violence qui défile me révolte. Je joue avec ma mémoire, en essayant de fixer sur le papier ce qui défile dans ma tête. Pas besoin de catastrophes naturelles pour tout détruire, l'Homme y arrivera très bien tout seul. Pourquoi passe-t-il son temps à vivre pour dominer ? Quand apprendra-t-il à aimer pour sauver ?

C'est dans la vulnérabilité des personnages que se situera dorénavant toute la force de mes compositions. Je me déconnecte de l'école, consternée qu'il y ai si peu d'heures de cours de dessin par semaine. Ma professeur de dessin en parle à mes parents, puis j'ai toute leur confiance pour entrer en école d'art. Cela me donne le courage de porter mes propres combats.

Au 17ème siècle Artémisia Gentileschi a eu la chance d'être née d'une famille d'artistes, elle s’est initiée à la peinture dans l'atelier de son père. Sa ténacité l'a conduite à traverser les obstacles et à devenir l'une des rares femmes peintres de son temps à avoir pu s'imposer. Les hasards et les coïncidences qu’elle a vécu lui ont inspiré ses propres compositions, pourtant les thèmes historiques, mythologiques ou bibliques n'étaient réservés qu'aux hommes jusqu'à fin 18ème siècle. A l'époque les jeunes filles étaient rarement autorisées à sortir, leur seul issue de vie était soit le mariage ou le couvent.

L’ouvrage d'art le plus connu de Gustave Eiffel est le seul qu'il imaginait éphémère. La tour devait être démontée peu après sa construction, mais les coïncidences de l’époque l’ont sauvée grâce à son utilisation idéale pour les transmissions radio en raison de sa hauteur, elle a contribué à la victoire de la France lors de la guerre 1914-18.

« Le hasard est le déguisement que prend Dieu pour voyager incognito » a dit Albert Einstein. En suivant leur vocation, les artistes doivent lutter pour œuvrer, en prise parfois avec des défis terribles. La vie est un mouvement perpétuel entre force et fragilité. La faiblesse se fait force quand elle donne une place à l'imprévisible, au lâcher-prise. Ainsi le hasard de “Dieu incognito” est une source d’inspiration intarissable, on le trouve chez les personnes qu'on rencontre, dans les mondes qu'on explore ou qu’on rêve. Quel grand voyage, dans l'incroyable énigme du processus de création !

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L’art aide-t-il à vivre ?